Epée et Bourdon
Bataille de Malemort


Depuis 2007, Historia Aquitanorum co-organise avec l'association du "Grenier de la Mémoire" une reconstitution de la bataille de Malemort qui se déroula en 1177 non loin de la ville de Brive.

La bataille de Malemort a opposé le 21 avril 1177 une armée conduite par des seigneurs limousins à des troupes mercenaires qui étaient vraisemblablement au service du duc d’Aquitaine, Richard Cœur de Lion.
Cet affrontement s’inscrit dans le cours de la révolte des seigneurs limousins contre leur duc Richard entre 1176 et 1177.
Mais si la bataille de Malemort a durablement marqué la mémoire des contemporains, c’est d’abord en raison de la défaite sanglante des mercenaires face aux Limousins, mais aussi parce que ce combat a été l’une des seules victoires des révoltés.

Le contexte de la bataille de Malemort
La bataille de Malemort doit se replacer dans le contexte plus large de l’Aquitaine des années 1170.
Richard, duc d’Aquitaine depuis 1168, s’est soumis à son père, le roi d’Angleterre Henri II, en septembre 1174. Après cette date, Richard se consacre à la pacification de ses provinces qui restent agitées par divers mouvements de révolte. C’est d’ailleurs au cours des campagnes qu’il mène à cette occasion que le jeune Richard conquiert son surnom de « Cœur de Lion ».
Au printemps 1176, le duc Richard doit faire face à un soulèvement mené par une coalition de grands barons angoumois et limousins, ses vassaux, parmi lesquels on relève notamment la présence du fils du comte d’Angoulême et du vicomte de Limoges. Les sources ne nous donnent pas plus de précisions quant aux motivations des révoltés.
À la fin du mois de mai 1176, les troupes des révoltés limousins et angoumois sont battues une première fois par Richard Cœur de Lion au sud de l’actuel département de la Charente. Richard profite de cet avantage pour prendre la ville de Limoges, puis celle d’Angoulême où sont réfugiés le comte d’Angoulême et son fils, les vicomtes de Limoges, de Ventadour et de Chabanais. Les révoltés font leur soumission et les troubles décroissent alors jusqu’aux premiers mois de l’année 1177.
De retour d’une expédition dans le sud de la Gascogne au début du mois de février 1177, Richard Cœur de Lion semble alors vouloir affermir vigoureusement son autorité en Limousin. Les agissements de ses troupes dans la région, majoritairement composées de mercenaires — des Brabançons selon les sources —, sont alors à l’origine d’un nouveau soulèvement. On retrouve à la tête de cette révolte de puissants laïcs locaux tels les vicomtes de Limoges et de Comborn ou les seigneurs de Lastours et de Chabanais. Le mouvement est également encadré par l’évêque de Limoges et l’abbé de Saint-Martial de Limoges qui ont peut-être eu à souffrir de la nouvelle politique de Richard.
C’est donc à Malemort, à proximité de Brive, que les troupes limousines rencontrent des mercenaires « brabançons », vraisemblablement au service de Richard, le 21 avril 1177. Malgré leur faible nombre, les Limousins viennent à bout des Brabançons présents. Cette victoire, certainement inattendue pour les Limousins, voit les Brabançons perdre nombre des leurs sur le champ de bataille. Les sources, toutes limousines, mettent en avant le nombre important des victimes ennemies et présentent la victoire comme un miracle accordé par Dieu.
À la fin de l’année 1177, c’est le roi Henri II lui-même, accompagné de Richard Cœur de Lion, qui se rend en Limousin. Les deux suzerains prennent alors de sévères sanctions contre leurs vassaux révoltés désormais ramenés à l’obéissance. La bataille de Malemort n’aura donc été qu’une heure de gloire bien courte pour les Limousins.

Le déroulement de la bataille
La bataille de Malemort est mentionnée dans trois ouvrages médiévaux par des auteurs limousins. L’auteur le plus documenté est Geoffroy de Vigeois († 1184 ?), dans sa Chronique (éd. Philippe Labbe, Novae bibliothecae manuscrïpt librorum, t. 2, Paris, 1658). Les Chroniques de Saint-Martial de Limoges (éd. Henri Duplès-Agier, Paris, 1874) sont quant à elles un peu moins éloquentes. Quant à Bernard Itier († 1225), c’est au détour d’une simple indication biographique qu’il mentionne le « massacre » de Malemort dans sa Chronique (éd. Jean-Loup Lemaître, Paris, 1998).
Geoffroy de Vigeois indique que l’intervention des Brabançons dans la région est à l’origine du mécontentement de la population locale. Face aux déprédations des mercenaires qui touchent certainement clercs et laïcs, c’est le clergé qui prend l’initiative d’appeler à une réaction armée. La proposition de l’abbé de Saint-Martial de Limoges est rapidement soutenue par l’évêque de Limoges, tandis que le peuple répond en nombre à l’appel lancé par l’abbé lors de la semaine sainte 1177.
L’encadrement des troupes limousines — certainement des milites accompagnés par des hommes du peuple armés — est assuré par l’aristocratie. Ce sont de grands barons locaux qui conduisent les Limousins divisés en quatre corps d’armée : le vicomte de Limoges, le vicomte de Comborn, le seigneur de Lastours et le seigneur de Chabanais. La direction spirituelle de l’armée est confiée à l’évêque de Limoges et à l’abbé de Saint-Martial de Limoges.
Face aux Limousins se trouvent ceux que les textes qualifient de « Brabançons ». Ce terme générique désigne avant tout des mercenaires, des professionnels de la guerre expérimentés que l’on voit évoluer dans différents conflits de l’ouest de la France depuis le début des années 1170, principalement au service des Plantagenêts. Tous ces hommes ne sont donc pas obligatoirement originaires du Brabant et Geoffroy de Vigeois précise que leur chef Guillaume, un ancien clerc, est originaire du nord de la France. Une lettre contemporaine des faits, rédigée par l’abbé de Solignac, mentionne également la présence d’Allemands aux côtés des Branbançons. Toujours d’après les indications de Geoffroy de Vigeois, il semble que les Brabançons qui se trouvaient à Malemort se déplaçaient avec leurs épouses.
Les sources nous donnent relativement peu d’indications sur le combat lui-même. La rencontre a lieu aux environs de Malemort en en jour éminemment symbolique, le Jeudi saint, en présence de l’évêque de Limoges et de l’abbé de Saint-Martial de Limoges. Geoffroy de Vigeois précise que les combats ont eu lieu dans le courant de l’après-midi, de 14 à 20 heures environ — jusqu’au coucher du soleil pour la Chronique de Saint-Martial de Limoges.
Les sources sont unanimes pour constater le nombre important des victimes du côté des Brabançons — même s’il faut relativiser le chiffre, avant tout symbolique, de 2 000 tués — tandis que les Limousins n’ont perdu qu’un seul homme dans les combats. Au premier rang des morts se trouve le chef des Brabançons, un certain Guillaume, ancien clerc ayant combattu au service de l’empereur Frédéric Barberousse lors de la prise de Rome en 1166.
C’est le caractère exceptionnel de cette victoire remportée contre des troupes de combattants redoutés qui a poussé les contemporains à interpréter l’issue de la bataille comme un miracle divin. Mais, comme on l’a vu plus haut, cette victoire limousine n’a été que de courte durée.

 

Pour consulter l'étude détaillée réalisée par Amanieu (membre d'Historia Aquitanorum), cliquez ici.

 

 

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