Nous sommes donc dans le comté de Bordeaux ; portion de l’ancien duché de Gascogne rattaché au duché d’Aquitaine en 1068. Ici se côtoient des terres placées directement sous l’autorité ducale (territoire que l’on appelle la Directe ducale) et des seigneuries tenues par d’importants seigneurs féodaux (vicomtes et principaux barons, mais aussi abbayes et bientôt commanderies templières et hospitalières) ; et au milieu, un grand nombre de terres libres, les alleux. Ces derniers, très tôt disparus dans les autres régions, sont restés très présents en Bordelais et Bazadais durant tout le Moyen Age. La propriété du sol apparait donc très morcelée ; chacun possède des terres en différents lieux, tantôt dépendant du duc, tantôt d’un grand seigneur, et pour beaucoup, un patrimoine allodial important.

Depuis le mariage de la duchesse Aliénor avec l’angevin Henri Plantagenêt en 1152, suivie de leur accession au trône d’Angleterre deux ans plus tard, les choses ont bien changées pour le Bordelais. Les guerres privées qui, pour le moindre prétexte, opposaient des seigneurs voisins sont toujours aussi nombreuses ; mais la nouvelle politique du roi-duc s’attachant à casser les anciennes fidélités, à imposer des agents extérieurs à la région et à faire de plus en plus appel à des troupes mercenaires, a fortement accru l’insécurité dans les campagnes. Les rébellions des grands seigneurs aquitains sont de plus en plus fréquentes contre leur duc qui décida, en 1168, de placer à la tête du duché d’Aquitaine son troisième fils sous la tutelle de sa mère, la duchesse Aliénor, pour tenter de ramener un peu de calme.
Ce nouveau duc, c’est Richard, le futur Cœur de Lion que tout le monde connait comme roi d’Angleterre (1189-1199). Mais on oublie souvent qu’avant sa décennie passée sur le trône royal, Richard fut durant 20 années duc d’Aquitaine !
En 1168, Richard n’a que 11 ans et dans les faits, c’est Aliénor qui dirige l’Aquitaine. Le calme ne revint pas pour autant car en 1173, probablement soutenus par leur mère, Richard et ses deux frères (Henri et Geoffroy) se rebellent à leur tour contre leur père, avec l’aide une nouvelle fois des barons aquitains (et du roi de France).
Mais le roi Henri ne tarda pas à reprendre la main en faisant emprisonner Aliénor ! Le jeune Richard rentra rapidement dans le rang et dès l’année suivante, son père le chargea de rétablir l’ordre en Aquitaine. C’est durant cette campagne contre ses anciens alliés, que le jeune duc gagna son surnom de Cœur de Lion ; mais ses nombreux revirements le firent également surnommé « Oc et no » (« Oui et non ») par ses contemporains!
Le climat étant assez tendu avec les turbulents barons poitevins et limousins ; Richard délaissa quelque peu sa capitale, Poitiers, pour s’installer plus au sud, en particulier à Bordeaux où il tenait régulièrement sa cour, entouré de l’aristocratie bordelaise qui n’avait, semble-t-il, pas ou peu participé à la révolte de 1173-1174.

C’est dans ce contexte mouvementé (bien réel) qu’évoluent nos personnages (fictifs) autour du seigneur Vivien le Pieux. Le statut social de Vivien lui permettait de faire jeu égal avec les grands seigneurs bordelais qu'étaient les seigneurs de Benauges, Blaye, Castillon, Fronsac,... qu'il cotoyait régulièrement à la cour ducale dans le palais de l'Ombrière.